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La rémunération via les droits d'auteur Interview de Nicolas Roland, avocat-partner chez Younity.

Updated: Jan 13, 2021

Me Nicolas Roland est associé au sein du cabinet d’avocats Younity situé à Bruxelles et qui traite du droit du travail en général, en ce compris l’optimalisation des rémunérations. Me Roland traite plus particulièrement de la protection des données à caractère personnel ainsi que des contrats informatiques et de la propriété intellectuelle. C’est dans ce cadre qu’il a pu exposer aux invités de notre petit-déjeuner organisé au mois de juin les avantages liés à la fiscalité sur les droits d’auteur. Ce sujet pouvant intéresser une audience plus large, il nous a fait le plaisir de répondre à quelques questions vous permettant également de découvrir cette matière.


S. Van Passel : Me Roland, tout d’abord de quoi parlons-nous lorsque nous abordons la thématique des droits d’auteur ?


N. Roland : Cette question est bien entendu primordiale puisqu’il s’agit de vérifier que la création pour laquelle vous revendiquez le bénéfice de cette fiscalité satisfait bien aux conditions légales requises, à savoir qu’elle doit être originale et mise en forme, c’est-à-dire qu’elle dépasse le cadre des concepts et des idées. En général, la condition d’originalité est interprétée de manière large par les cours et tribunaux. Les créations protégées par le droit d’auteur ne sont donc pas réservées aux œuvres dites littéraires et artistiques puisqu’elles peuvent recouvrir bien d’autres choses encore, par exemple un programme d’ordinateur ou le lay-out d’un site Internet. Également, il est important de souligner que, contrairement à une marque ou un brevet, aucun enregistrement officiel préalable n’est requis pour pouvoir s’en prévaloir. En d’autres termes, l’apposition du sigle © n’est pas une condition légale obligatoire, même si ce dernier permet à son auteur d’indiquer au public qu’il revendique la titularité du droit d’auteur sur la création correspondante, ce qui facilitera la charge de la preuve en cas de litige ultérieur éventuel avec quelqu’un qui l’aurait reproduit sans son autorisation.


S. Van Passel : Est-ce que l’avis d’un avocat entre dans ce cadre ?


N. Roland : La jurisprudence a récemment considéré que toutes les créations d’un avocat ne constituent pas nécessairement des œuvres protégées par le droit d’auteur, et ce notamment parce que certaines d’entre elles ne font que reproduire la « réalité des choses » juridiques sans que l’avocat concerné ait pour autant bénéficié de ce qu’on appelle un « espace de créativité ». A suivre les cours et tribunaux, il faut en effet que son auteur ait marqué l’œuvre en question de l’« empreinte de sa personnalité ». A défaut, celle-ci ne sera pas originale. En d’autres termes, des consultations juridiques ont été jugées comme n’étant pas suffisamment originales, mais cela ne veut pas dire que d’autres créations ne le seraient pas, par exemple des présentations pour des conférences et/ou des articles de doctrine. C’est donc à chaque fois une analyse au cas par cas qui s’impose.


S. Van Passel : Pouvez-vous nous expliquer le mécanisme fiscal, quel est l’avantage de se rémunérer via les droits d’auteur ?


N. Roland : En substance, les revenus générés par la cession des droits d’auteur sur une œuvre (c’est-à-dire grosso modo la vente des droits permettant à son titulaire d’autoriser ou non la reproduction de cette œuvre et/ou sa communication au public) et/ou leur concession (c’est-à-dire leur location) ne seront taxés, à titre de revenus mobiliers, qu’à concurrence de 15 %, une fois déduits les frais exposés à cette occasion. A cet égard, le législateur a mis en place un mécanisme de frais forfaitaires (par paliers) qui permet réduire sensiblement la base imposable. Il s’agit donc d’une imposition très favorable par rapport aux taux retenus pour d’autres catégories de revenus. Attention, il ne s’agit pas pour autant de « transformer” subitement en droits d’auteur des revenus qui constituent aujourd’hui des rémunérations ou des profits de professions libérales.


S. Van Passel : Le législateur a-t-il prévu une limite à ce régime ?


N. Roland : Oui, au-delà d’un montant de 37.500 euros indexés (soit aujourd’hui un montant de 61.200 euros pour des revenus perçus en 2019), les revenus perçus seront imposés à titre de revenus professionnels s’ils sont, dit la loi, « affectés à l'exercice de l'activité professionnelle du bénéficiaire desdits revenus”.


En pratique, c’est ce que considère le plus souvent l’administration fiscale, nonobstant certaines décisions de justice qui n’ont pas cautionné cette façon de procéder. Il appartient alors au contribuable de le contester, si ce n’est effectivement pas le cas.


S. Van Passel : Précisément, vous nous avez parlé du SDA qui permettrait d’éviter ce genre de dispute avec l’administration fiscale : qu’en est-il ?


Le SDA, c’est le service de décisions anticipées qui permet effectivement à un contribuable d’obtenir un « ruling » c’est-à-dire une décision par laquelle l’administration fiscale détermine comment les lois d’impôts s’appliqueront, pendant un certain temps, à une situation ou à une opération bien précise qui n’a pas encore produit d’effets sur le plan fiscal. Comme l’explique lui-même le SDA, ce ruling donne au demandeur la sécurité juridique car il lie tous les services de l’administration fiscale.

Certains contribuables le saisissent dès lors pour s’assurer notamment de la bonne qualification des revenus versés et des modes de calculs envisagés.

Ce n’est cependant pas un passage obligé. Le « problème » est qu’au fur et à mesure des demandes qui lui sont parvenues à propos de ce mécanisme fiscal et face à l’ « engouement » que ce dernier a pu générer auprès des contribuables, le SDA a élaboré certaines règles complémentaires qu’il n’est pas toujours facile de comprendre, ni a fortiori d’implémenter. Le plus souvent, le SDA considère d’ailleurs que tout ce qui excède le seuil précité de 37.500 euros indexés constitue nécessairement des revenus professionnels, alors que cela peut ne pas être le cas. Or, celui qui sollicite son intervention est tenu de se plier aux conditions qu’il prononce en conséquence.


S. Van Passel : Cette matière est en effet fort technique, quelle démarche conseillez-vous au contribuable qui serait intéressé d’en bénéficier?


Il convient tout d’abord de s’interroger sur l’aspect véritablement créatif de ses activités. A défaut, il est à craindre que l’administration fiscale ne rejette trop facilement le bénéfice de ce mécanisme. Pour le reste, la lecture des décisions correspondantes du SDA publiées en ligne sur le site de l’administration fiscale lui permettra d’en apprendre avantage sur ce mécanisme et sa mise en œuvre mais il est, in fine, indiqué de passer par les conseils d’un spécialiste qui l’aidera à rédiger la convention de (con)cession correspondante.


Nous vous remercions de nous avoir consacré de votre temps. Pour nos lecteurs souhaitant en connaître un peu plus à propos de cette mesure fiscale intéressante, n’hésitez pas à prendre contact directement avec un avocat ou à contacter Me Nicolas Roland nicolas.roland@younity.be Bd. du Souverain 36 - boite 8 à 1170 Bruxelles au 02 880 77 80.

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